Longtemps considérée comme abondantes voire illimitées, les ressources naturelles (végétaux, animaux terrestres et marins, eau) sont aujourd’hui perçues comme un facteur limitant dont la qualité est menacée. La gestion rationnelle de ces ressources est devenue une des principales préoccupations pour assurer la qualité de la vie sur notre planète et le développement économique durable de nos sociétés. Les ressources naturelles sont particulièrement vulnérables en zone méditerranéenne face aux nombreuses pressions anthropiques, telles que la surexploitation (besoins croissants), la pollution, l’eutrophisation, la forte croissance et/ou variation saisonnière démographique, et ce dans un contexte de changement climatique et de propagation facilitée de maladies émergentes. Ces effets sont d’autant plus accentués en milieu restreint et souvent vulnérables comme les îles méditerranéennes.
Le projet Ressources Naturelles caractérise et valorise des substances naturelles végétales et spécifiques sur lesquelles peut s'appuyer une activité humaine durable. Nous nous intéressons particulièrement à deux domaines: les Plantes à parfum Aromatiques et Médicinales (PAM) et les produits agroalimentaires patrimoniaux (huile d’olive, agrumes, miels…..). Pour la période 2024-2028, notre groupe est organisé en 5 axes afin de mieux allier les compétences de chaque membre de l’équipe et de faire émerger des approches nouvelles. Chaque axe a consacré des efforts à la mise en place de recherches transversales qui génèrent un lien fort entre les différents membres et permettent de disposer de compétences complémentaires. Tous les membres de l’équipe collaborent au sein d’un 5ème axe fédérateur qui concerne les différentes productions patrimoniales du territoire.
Axe « Phytochimie et interactions »
Cet axe développe, d’une part, les activités sur la caractérisation chimique des huiles essentielles et d’extraits végétaux et, d’autre part, l’étude de la diversité chimique et de l’implication de molécules dans des interactions écologiques (odeurs florales). Les activités s’appuient sur un réseau de collaborations universitaires pérennes : aire Méditerranéenne (Nice, Coimbra, Rabat, Tlemcen), Afrique (Abidjan, Korhogo, Madagascar), Asie (Vietnam) mais aussi Angers, Lyon et Paris (MNHN), et sur l’accueil de chercheurs étrangers (en moyenne deux séjours par année).
Nous continuerons de développer des activités sur la caractérisation et la diversité chimique des huiles essentielles. Au niveau régional, une approche associant génétique et chimie sera menée sur les huiles essentielles produites en Corse (immortelle, romarin, myrte, lentisque…). Nous poursuivrons les travaux entamés sur la caractérisation chimique des extraits végétaux en relation avec les activités des molécules d’intérêt (collaboration ISA Lyon). D’un point de vue plus académique, il s’agira de développer des méthodes qualitatives et quantitatives par RMN du proton et du carbone-13. Nous continuerons de nous intéresser à la valorisation des bryophytes de Corse. L’objectif est de réaliser un screening chimique et biologique en vue d’identifier les constituants biologiquement actifs. Les composés visés sont des volatils (terpéniques et non terpéniques) et non-volatils (polyphénols).
L’outil des réseaux moléculaires développé lors d’une collaboration avec l’Université de Californie (San Diego), permet d’analyser les données issues de la spectrométrie de masse et d’annoter par similarité spectrale des molécules non présentes dans les bibliothèques de référence. La validation de la méthode a été réalisée avec succès sur les cônes de houblon et a permis l’identification de composés jamais décrits dans les banques de données. Cette approche sera utilisée sur des plantes emblématiques de la végétation Corse (l’immortelle, le romarin, le myrte…) ou sur des huiles essentielles plus complexes (ciste, aulne, etc.).
L’implantation d’espèces exogènes autant animales que végétales est devenue en, quelques décennies, l’une des principales problématiques environnementales. Elle est, aussi, l’une des causes majeures de la diminution de la biodiversité mondiale. La Corse n’est pas épargnée par le phénomène. En règle générale, le contrôle de la prolifération de ces plantes envahissantes s’effectue par l’arrachage manuel ou mécanique suivi de brûlage. Ces méthodes aboutissent à la destruction systématique d’une abondante biomasse végétale disponible sans valorisation. Dans ce contexte, nous travaillons sur des voies pertinentes de valorisation des plantes envahissantes et développons une approche d’écologie chimique afin d’identifier les métabolites dotés d’activités biologiques. Les espèces visées seront la Lampourde d’Italie et la Lampourde épineuse, le Raisin d’Amérique, le Séneçon du Cap et le Séneçon anguleux, l’Ailante ou encore la Griffe de Sorcière, espèces considérées aujourd’hui en phase de colonisation en Corse. Ce travail s’articulera autour de la caractérisation des composés volatils (notamment terpéniques) et non volatils (polyphénols). Nous étudierons les activités antioxydantes des mélanges complexes pour des applications en cosmétiques ainsi que leur potentiel allélopathique pour des applications en agriculture (herbicides et/ou biostimulants). Nous tenterons aussi d’appréhender les mécanismes d’invasion.
Dans le cadre de la pollinisation par duperie, nous allons d’abord étudier chez Arum maculatum, par des techniques moléculaires de nouvelle génération, les mécanismes biosynthétiques (activation/silence de gènes/enzymes), en lien avec l’axe 2 expliquant les différences de compositions chimiques des odeurs florales observées entre les populations européennes. La partie génomique et de bio-informatique sera réalisée par des collègues de l’Université de Neuchâtel. Ensuite, nous étudierons la pollinisation et la diversité chimique des odeurs florales d’espèces insulaires (Arum pictum, …). L’approche comparative (îles Ouest-méditerranéennes : Baléares, Corse, Sardaigne) permettra d’étudier les systèmes de pollinisation (spécialisation ou généralisation) en milieux insulaires et de voir si chaque colonisation insulaire a résulté d’un même type d’interactions Arum-pollinisateurs ou de variantes. Enfin, il s’agira d’étudier la pollinisation dans un contexte évolutif en cartographiant les odeurs florales sur une phylogénie moléculaire du genre Arum et de reconstruire les différents états des odeurs florales le long de la phylogénie en recherchant le(s) scénario(s) le(s) plus probable(s) d'apparition, de maintien et de transitions entre les différents types d’odeur florale en lien ou pas avec les différents types de pollinisateurs.
Axe « Biotechnologies et Biocatalyse »
Les enjeux environnementaux et économiques actuels ont propulsé l’utilisation de bioprocédés basés sur la catalyse enzymatique comme alternative éco-compatible à la chimie de synthèse. Ces procédés biocatalytiques, en utilisant des matières premières renouvelables, ont le potentiel de surmonter l'impact environnemental élevé des procédés de synthèse chimique actuels, en limitant le rejet de déchets polluants (métaux lourds, …) et en étant moins énergivores, plus sûrs et plus écologiques.
L’axe « Biocatalyse et Biotransformations » se propose d’exploiter les potentialités des ressources naturelles pour obtenir des bioproduits à haute valeur ajoutée. Les biocatalyseurs enzymatiques capables de réaliser les biotransformations désirées sont d’abord identifiés, et si nécessaire produits au laboratoire par génie génétique puis caractérisés biochimiquement. L’ingénierie de ces biocatalyseurs (notamment par mutagénèse dirigée ou évolution dirigée) nous permet d’obtenir des outils enzymatiques optimisés, très sélectifs et performants, qui sont mis en œuvre dans des réactions de biocatalyse pouvant faire l’objet d’une optimisation (plan d’expériences). Les recherches se concentreront particulièrement sur la production de molécules aromatisantes naturelles responsables de l’odeur caractéristique de l’herbe coupée dite « note verte », qui sont particulièrement utilisées dans les secteurs de la parfumerie, de la cosmétologie et de l’agroalimentaire. Ces molécules sont synthétisées naturellement chez les végétaux par la voie enzymatique de la lipoxygénase (LOX).
Pour la période 2024-2028, nous envisageons de poursuivre les travaux engagés dans le précédent contrat, afin de développer un procédé biocatalytique efficace de production de molécules d’intérêt industriel à haute valeur ajoutée. Un tel procédé nécessite de grandes quantités d’enzymes (lipase, LOX et HPL). Alors que des lipases et des LOX peuvent être facilement obtenues en grandes quantités car elles sont disponibles dans le commerce, il n’existe pas d’HPL commerciale (du fait de sa faible stabilité). Nous projetons d’étudier différentes lipases commerciales, libres et immobilisées, afin de déterminer leurs conditions optimales d’action. Différentes LOX végétales, commerciales ou produites au laboratoire dans des systèmes hétérologues, seront également étudiées. L’HPL étant peu abondante dans les végétaux, la purification de grandes quantités d’enzyme à partir de matériel végétal, s’avère compliquée et coûteuse. La production d’HPL recombinante est donc indispensable. Au laboratoire, une HPL recombinante d’olive a été exprimée chez Escherichia coli (E. coli), purifiée et caractérisée. Nous avons démontré que cette enzyme est un biocatalyseur très efficace pour la synthèse de molécules à note verte naturelles. Son expression chez E. coli a donc été optimisée afin d’obtenir une plus grande quantité d’enzyme soluble et active, dans l’objectif d’intégrer l’HPL dans un procédé biocatalytique. Afin de déterminer le procédé le mieux adapté et le plus performant, pour chaque étape du procédé, différentes conditions de biotransformation seront testées en bioréacteur en utilisant des plans d’expériences : composition du milieu réactionnel, température, pH, durée des réactions enzymatiques, utilisation simultanée, en combinaison ou séquentielle des enzymes. La dernière étape du procédé consistera à mettre au point une méthode de récupération des aldéhydes volatils à note verte en lien avec l’axe 1. Le procédé mis en place et optimisé à l’échelle du laboratoire fera ensuite l’objet d’un scale-up à l’échelle pilote, afin de produire de plus grandes quantités d’aldéhydes à note verte. Ce travail pourra être réalisé en collaboration avec les équipes du Pr Remaud-Siméon de l’INSA de Toulouse et du Pr Froidevaux de l’Université de Lille.
La production d’aldéhydes s’accompagne simultanément de la production de cétoacides qui peuvent servir de précurseurs pour la synthèse de polymères biosourcés. En effet, actuellement, la production de polymères est largement dépendante des matières premières issues de la pétrochimie, et la part de polymères biosourcés est inférieure à 2%. Le changement climatique et l'épuisement des combustibles fossiles incitent à une réorientation majeure de l'industrie chimique vers des produits biocarbonés renouvelables. Nous envisageons donc de rechercher des méthodes efficaces d’extraction de ces cétoacides. Ces derniers pourront être utilisés dans des réactions de biotransformation dans l’objectif de produire des polymères biosourcés d’intérêt. Par exemple, en subissant une réaction d’amination catalysée par une transaminase, l’acide 12-oxododécénoïque donne un acide 12-aminododécanoïque qui est un précurseur dans la synthèse du polyamide Nylon 12.
Axe « Adaptation des végétaux aux changements globaux »
Les principaux travaux conduits jusqu’à présent ont porté sur l’étude de l’adaptation des agrumes aux contraintes environnementales. Nous avions ainsi, par exemple, mis en évidence l’impact du stress hydrique sur les performances agronomiques du clémentinier à travers l’étude de leur système antioxydant ou encore du rendement et de la qualité des fruits.
De nouvelles expérimentations en vergers seront entreprises pour déterminer l’impact de la polyploïdie sur la qualité des fruits d’agrumes et sur la tolérance aux principaux stress abiotiques liée aux principales conditions pédoclimatiques (hydrique, thermique et intrants) rencontrées en Corse. Pour cela, la tolérance aux différents stress abiotiques serait évaluée à travers une étude physiologique (capacité photosynthétique) et biochimique (activité enzymatique et non-enzymatique du système antioxydant et marqueur de l’oxydation). Le rendement et la qualité agronomique de variétés des fruits d’agrumes (calibre, teneur en jus, sucrosité (Brix), acidité (gramme d’acide citrique pour 100 grammes), maturité interne définie par le rapport du taux de sucre avec l’acidité (E/A)) pourraient être évalués suite au stress environnemental. L’impact de la polyploïdie sur la qualité des fruits et sur la tolérance à des stress abiotiques pourrait être analysé sur deux types d’associations de greffon/porte-greffe :
- Issus de scions diploïdes
La première combinaison concernerait des variétés diploïdes greffées avec des porte-greffes tétraploïdes. Nos précédentes études ont montré que le citrumelo 4475 et l’allotétraploïde FlhorAG1 améliorent la tolérance des clémentiniers diploïdes à une carence en nutriments comparativement à d’autres porte-greffes qu’ils soient diploïdes ou tétraploïdes. Une expérimentation en vergers de ces mêmes associations de greffon/porte-greffe pourrait être entreprise. Mais pour cela, il sera au préalable nécessaire de prévoir un dispositif expérimental spécifique avec nos partenaires de l’INRAe/CIRAD ou de l’Association de Recherche et d'Expérimentation sur les Fruits et Légumes (AREFLEC). Le greffage puis la mise en terre des différentes associations de greffon/porte-greffe pourraient être entrepris à court terme. Cependant, les premières expérimentations ne pourront débuter qu’une fois la phase de juvénilité achevée. Il serait pertinent d’étudier également l’impact de la tétraploïdie de ces mêmes porte-greffes sur la tolérance au stress nutritionnel d’une autre variété phare de la Corse, le Pomelo Star ruby. Par la suite, d’autres contraintes environnementales rencontrées en Corse par ces deux variétés pourront aussi être envisagées.
- Issus de scions triploïdes
Il est désormais clairement établi que la tétraploïdie entraîne un effet nanisant qui peut être avantageux pour la gestion de la récolte des fruits mais induit un système racinaire peu profond, pouvant diminuer la tolérance au déficit hydrique. La triploïdie, quant à elle, renforce la vigueur de l’arbre. Il s’agirait maintenant de savoir si la polyploïdie utilisée au niveau du porte-greffe et du greffon permettrait d’obtenir une association combinant vigueur, bon rendement et tolérance aux contraintes environnementales. La deuxième combinaison envisagée concernerait donc des variétés triploïdes greffées avec des porte-greffes tétraploïdes. Ce dernier devra être sélectionné en raison, notamment, de ses capacités d’adaptation au niveau racinaire.
Dans la continuité des recherches menées au laboratoire, il sera intéressant de conduire une expérimentation de déficit hydrique en conditions contrôlées et/ou de basses températures en conditions naturelles sur des hybrides 3x et 2x greffés sur un porte-greffe 4x. Les récentes études initiées par le CIRAD révèlent que les Volkameriana 4x présentent des racines plus profondes qui les rendraient plus adaptés au déficit hydrique et qu’ils sont par ailleurs sensibles aux basses températures. Pour que cette expérimentation puisse se dérouler à moyen terme, la population d’hybrides de limettier 3x déjà existante en collection sous la forme d’arbres adultes et greffée sur le porte-greffe Volkameriana pourrait servir de support. Celle-ci est issue du croisement entre le citronnier 2x et le limettier ‘Giant Key’ 4x, ce dernier étant le résultat du doublement chromosomique spontané du limettier mexicain, lui-même un hybride interspécifique entre Citrus medica et Citrus micrantha. Cette population a été créée par le CIRAD et l’INRAe de San Giuliano afin de développer de nouvelles variétés hybrides de limettier de type "Tahiti" présentant des caractères agronomiques et organoleptiques améliorés. Récemment, une expérimentation de déficit hydrique menée sur le limettier de Tahiti, sous forme 2x et 3x, greffé sur des porte-greffes 4x a permis de mettre en évidence une tolérance accrue de l’association porte-greffe 4x/lime 3x qui serait due à une meilleure détoxication cellulaire. Des études similaires pourront être réalisées à l’avenir afin de déterminer si les performances (rendement, qualité des fruits et/ou adaptations aux stress abiotiques) de ces hybrides triploïdes et de porte-greffes tétraploïdes pourraient se cumuler. Par ailleurs, il faudra veiller à ce que l’association de greffons triploïdes et de porte-greffes tétraploïdes confère une meilleure adaptation au Huanglongbing (maladie du dragon jaune) qui menace la Méditerranée où le vecteur de la maladie est déjà présent (Portugal et Espagne). Les résultats attendus contribueront à diversifier le marché des limettiers.
De façon concomitante, nous souhaitons également étudier d’autres espèces végétales pour identifier les mécanismes qui contrôlent leur adaptation à l’environnement. Ces espèces pourront être constitutives de la flore locale ou bien des variétés arboricoles. En développant des liens étroits avec la chambre régionale d’agriculture ou le centre de recherche viticole de Corse (CRVI), nous pourrions, par exemple, envisager d’étudier directement en verger chez les agriculteurs, des espèces comme l’amandier ou bien la vigne, connues pour être relativement bien adaptées au climat de la Corse et d’importance économique élevée sur le marché local, national ou international. A titre d’exemple, le CRVI dispose d’une collection de cépages importante et l’identification des génotypes les plus tolérants aux contraintes environnementales (biotique ou abiotique) pourrait apporter des informations précieuses sur ceux qui pourraient être mobilisés dans le cadre de futures plantations.
Les travaux de cet axe sont réalisés en partenariat étroit avec l’INRAe et le CIRAD (UMR AGAP Montpellier et Corse), l’UMR PIAF de Clermont-Ferrand et l’Université de technologie de Compiègne.
Axe « Environnement et Santé »
Nous allons poursuivre les travaux initiés sur les mécanismes de résistance des bactéries aux antibiotiques en travaillant sur des molécules étudiées dans l’axe 1 ou venant de collaborations internationales. Nos travaux sur l’antibiorésistance concernent à la fois l’homme et les animaux d’élevage.
Nous nous intéresserons au développement d’alternatives thérapeutiques à l’encontre de bactéries responsables de lésions cutanées sévères. Les bactéries cibles appartiennent aux genres Staphylococcus et Streptococcus dont la prolifération à la surface de la peau est souvent associée aux pathologies de type mammite et pyodermite chez les animaux. L’efficacité des huiles essentielles sélectionnées (déclaration d’invention en cours, SATT sud-Est) au sein de l’axe 1, doit être potentialisée par leur association en synergie ainsi qu’en développant diverses méthodes d’administration (enrobage, encapsulation) en collaboration avec l’Institut Armand-Frappier de Montréal. L’étude de l’efficacité de nos produits sera réalisée en partenariat avec le département de sciences vétérinaires de l’Université de Pise, pour la partie in vivo de l’étude.
En lien avec l’UAR Stella Mare, nous avons débuté une recherche sur l’élimination dans les aquariums des biofilms déjà formés ou en pré-formation de bactéries marines : Vibrio parahaemolyticus et Vibrio cholerae. Le quorum sensing et les seconds messagers cycliques (GMPc) sont impliqués dans les mécanismes de signalisation que nous proposons d’étudier pour comprendre la régulation de la physiologie bactérienne en réponse aux changements de l’environnement. Nous avons déjà identifié des molécules capables d’inhiber la voie du quorum sensing que nous allons pouvoir tester sur ces bactéries. Par contre, l’inhibition des seconds messagers cycliques est peu décrite dans la littérature. Nous avons entrepris de cribler des huiles essentielles qui peuvent interférer avec le quorum sensing et la transduction du signal impliquant le GMPc chez V. cholerae. Pour répondre à cet objectif, nous allons étudier la croissance du biofilm et quantifier les niveaux de GMPc avec et sans inhibiteur. Il sera important d’étudier les interactions hydrophobes entre bactéries qui jouent un rôle important pour l’adhésion initiale à l’interface air-eau puis de s’intéresser aux gènes impliqués par RT-qPCR (thèse en cours).
Nous avons initié des travaux sur les interactions ayant existé entre pathogènes et populations anciennes, et plus particulièrement dans le cadre de recherches bioarchéologiques sur la santé des populations corses à travers le temps. La prise de risques pour cette dernière action est limitée car nous avons une convention de détachement pour au moins un an d’un chercheur de l’UMR ADES spécialisé dans cette thématique. Nous avons obtenu un financement du MESRI pour 2022-2023 et un support entrant de bourse postdoctoral de la CDC. Nous avons aussi recruté un jeune docteur de l’AMU ayant obtenu un prix de thèse sur cette thématique (A Meffray). L’Université de Corse a également contribué au développement de cette thématique par le financement d’un contrat d’IR depuis janvier 2022 qui a été transformé en support d’enseignant-chercheur contractuel depuis septembre 2022. L’objectif est d’explorer les pathologies infectieuses spécifiques qui ont pu être présentes au cours des siècles sur ce territoire (pathologies zoonotiques (brucellose, tuberculose), endémiques (paludisme) et épidémiques (variole)), de même que les infections chroniques qui ont pu être transmises par contacts fréquents avec le reste des populations méditerranéennes (lèpre, tréponématoses). Les premières investigations porteront sur deux séries déjà disponibles : Aleria - Lamajone (4ème siècle av JC-3ème siècle ap JC) et Bonifacio - Caserne Montlaur (13ème siècle-19ème siècle ap JC) (n~30 au total). Les analyses moléculaires, ciblant un panel de pathogènes définis, ont été initiées. Elles se basent sur deux types d’approches :
- une approche dite « ciblée » ou « séquences-dépendantes » par amplification génique des pathogènes préalablement sélectionnés (PCR spécifique) ;
- une approche à plus large spectre par des méthodes dites de « séquençage massif » type NGS.
Des analyses bioinformatiques des séquences obtenues (reconstruction génomique, positionnement taxonomique/phylogénie) seront systématiquement associées aux identifications moléculaires. En parallèle, la qualité de l’extraction et de la purification des acides nucléiques sera contrôlée en démontrant l’identification d’ADN humain (recherche du gène de la β-globine) avec détermination du sexe (recherche du gène de l’amélogénine) pour certains prélèvements. Les premières analyses ont déjà mis en évidence la persistance de matériel génétique ancien dans des restes anthropobiologiques issus de contextes archéologiques corses, ce qui n’avait pas encore pu faire l’objet d’une démonstration effective. L’étude intégrale de ces séries (~40 individus pour Bonifacio - Caserne Montlaur et plus de 150 sujets pour Aleria - Lamajone) est en cours, en partenariat avec l’INRAP. Par ailleurs, les sélections de plusieurs autres séries d’intérêt font l’objet de demandes de prélèvements, en partenariat avec les Centres de Conservation et d’Etude (CCE) de Corse (Sartène, Aléria et Mariana).
Nous avons établi des liens directs avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de la Corse et nous avons le soutien de l’administration patrimoniale. Dans une approche de contexte plus vaste que celle reposant sur les seuls vestiges anthropobiologiques, nous intègrerons également l’étude des os d’animaux retrouvés au sein des sites, ce qui nous permettra de renouveler les connaissances sur les zoonoses associées, qu’il s’agisse de brucellose ou de tuberculose. Enfin, dans une perspective comparative, des demandes d’étude et d’analyses seront effectuées dans le reste de la zone méditerranéenne, considérée comme « au contact » de la Corse et de ses habitants par le passé (Sardaigne, Sicile, Italie continentale, France provençale).
Axe « Productions patrimoniales du territoire »
Ces dernières années, l’équipe a consacré des efforts à la mise en place de recherches transversales faisant le lien entre les axes et permettant à chacun de disposer de compétences complémentaires. Des projets mis en œuvre depuis le précédent contrat seront reconduits. Nous pouvons citer :
- Le projet Innov’agrumes. L’importante diversité observée au sein des agrumes n’est pas suffisamment valorisée. Il existe un potentiel important et encore inexploré, d’autant plus grand que l’innovation variétale permet la création d’agrumes nouveaux et originaux. Les activités initiées dans le cadre du projet « Innov’agrumes » seront poursuivies et feront l’objet d’une nouvelle demande de financement sur fonds FEDER.
- Le développement de solutions à base de phéromones et de produits naturels aux propriétés insecticides. Deux solutions alternatives aux produits phytosanitaires seront étudiées : (i) un leurre chimique élaboré à partir d’un mélange synthétique mimant la phéromone de piste ou d’alarme de la fourmi capable de guider ou attirer les ravageurs vers des pièges, (ii) une formulation insecticide constituée à partir d’extraits végétaux issus de la biomasse végétale de Corse. Une phase exploratoire financée par l’ODARC, le projet « Furmicula », a pour ambition d’apporter des solutions alternatives de lutte contre la fourmi Tapinoma ravageuse des vergers.
- La mise en valeur du houblon « sauvage ». Les travaux, initiés lors d’une CIFRE, sur le houblon laissent entrevoir des perspectives intéressantes. Le houblon « sauvage » pousse spontanément en divers lieux de Corse. Cette ressource n’avait jamais fait l’objet d’exploitation ni même du moindre travail de recherche et d’évaluation. Le houblon spontané de Corse présente des caractéristiques particulières : potentiel amérisant, aromaticité. Ces particularités dépendent directement du terroir, ce qui signifie qu’une certification du Houblon de Corse pourrait être envisagée. Une fois cette matière première reconnue comme porteuse d’une richesse patrimoniale, elle pourrait devenir un élément essentiel d’une labellisation de la bière. Nous envisageons également d’étudier les activités antibactériennes, antivirales et surtout antioxydantes. L’analyse des compositions chimiques a montré une abondance de xanthohumol dans les fractions lourdes des houblons corses, composé connu pour son pouvoir antioxydant largement supérieur aux molécules de référence. L’étude sensorielle des cônes de houblon et des bières corses présente une grande importance pour la détermination du pouvoir amérisant et aromatisant du Houblon corrélée à la caractérisation chimique déjà conduite afin d’élaborer les cartes organoleptiques des différentes stations de Houblon en Corse.
- Concernant le secteur des PPAM, en 2019, la région Corse a créé un cluster qui regroupe l’ensemble des acteurs depuis les pépiniéristes, agriculteurs, distillateurs, cosméticiens et parfumeurs. Nous nous investissons dans la labellisation du matériel végétal, en travaillant sur une IGP Immortelle l’huile essentielle d’immortelle, un produit patrimonial d’importance économique. Cet objectif pourrait nécessiter de caractériser des marqueurs diagnostiques (ADN microsatellites) et de les confronter à des données chimiques (molécules caractéristiques) dans une approche intégrée.
Responsable du Projet RN : PR Liliane Berti (berti_l@univ-corse.fr)